J’avais complètement zappé ce film l’année dernière, et il faut bien avouer qu’il était même passé inaperçu (j’imagine le faible nombre de copies pour les salles françaises). Mais c’est lorsque Monica Belluci remit le “César du meilleur film étranger” à Ari Folman, que j’ai réalisé à quel point il me fallait le voir, ne me doutant pas une seconde que j’allais prendre un 38 tonnes en pleine face à la vision du Blu-Ray offert par ma femme…
Traiter d’un sujet aussi brûlant que le massacre de Sabra et Chatila (ayant failli être reconnu comme crime contre l’humanité) n’est pas chose facile. Surtout quand son réalisateur Ari Folman désire en faire un film autobiographique, documentaire, mais toujours cinématographique grâce au choix de l’animation comme moyen de narration. Appelé en pleine nuit par son meilleur ami, Ari Folman (réalisateur et personnage principal) l’écoute raconter un cauchemar récurrent le hantant depuis qu’il a fait la guerre du Liban. A sa grande surprise, Ari réalise qu’il avait avait 19 ans quand il participa également à cette guerre, mais que ces 25 dernières années il n’en avait étrangement gardé aucun souvenir, comme si sa mémoire avait été effacée “sélectivement”. A partir de là, Ari désirant plus que tout comprendre le pourquoi de cette amnésie va retrouver quelques-uns de ses anciens frères d’arme pour partager leurs souvenirs et raviver sa mémoire, le confrontant à la triste réalité du massacre de Sabra et Chatila.
A la manière d’une enquête policière, alternant vrais/faux souvenirs, magnifiques séquences oniriques et violence graphique, Ari Folman réussit à nous captiver tout en sachant que le dénouement ne peut être que brutal et nous fait partager les fantômes qui le hantent certainement tous les jours dans la vraie vie. Ce film est une psychothérapie pour lui, mais d’utilité publique pour les générations futures, jamais dans le but de dénoncer qui est le plus responsable parmi les acteurs principaux de ce massacre, mais plus de comprendre les dommages psychologiques collatéraux de jeunes militaires enrôlés qui savaient, et se demandent aujourd’hui “si seulement…”
Sans vouloir m’étendre sur ma vie privée, de décembre 1998 à mai 1999 j’étais sur des théâtres d’opérations pour l’OTAN pendant la guerre du Kosovo, et pendant la vision progressive de ce film, sont remontés en moi des souvenirs endormis faits d’images et d’odeurs que je m’étais juré de ne jamais oublier mais qui attendaient d’être réveillés. Mon background personnel joue très certainement sur mon objectivité vis à vis de ce film, mais je remercie Ari Folman pour cette pseudo thérapie non pas pour oublier mais pour se rappeler. Car il est des évènements, tout comme les camps d’Auschwitz-Birkenau (qui font débat actuellement pour leur rénovation) qui au-delà de l’horreur et du mal que l’homme peut infliger aux siens, doivent éternellement perdurer dans la mémoire collective afin de ne pas reproduire l’impensable.
Bref, un film dur (attention certaines scènes peuvent choquer des adultes) mais magistralement mis en scène, film d’utilité publique auquel le support Blu-Ray rend honneur. A noter d’excellents bonus (mais trop courts) dont le journal télévisé d’Antenne 2 (aujourd’hui France 2) au lendemain du massacre de Sabra et Chatila. A voir.
Cette critique a déjà été publiée le 20 avril 2009 sur mon ancien blog sur lequel j’ai été assez productif en écrivant 826 articles. Comme rien ne se perd, régulièrement je reprendrai certains de mes vieux billets pour leur donner une seconde chance sur glouton barjot, parfois en les améliorant ou en les ré-actualisant. Bonne lecture
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